Malgré les attaques successives infligées par les forces de l’État, ces organisations reposaient sur des bases si solides qu’aujourd’hui encore les quilombolas brésiliens, les bushinengué guyanais et surinamais ainsi que les maroon jamaïcains perpétuent leurs modes de vie et cultures centenaires, faisant toujours face à de nouveaux défis imposés par la société occidentale.
Admiratif.ve.s de cette ténacité et de cette capacité de résistance, les membres de l’Association Oyà vous proposent de penser le quilombo. Tous les mois, nous rencontrons une personne liée aux traditions de matrice africaine pour discuter le quilombo sous diverses perspectives.
Nous ouvrons ce dossier thématique avec Rodrigo de Odé, comédien, capoeiriste, ogã dans un terreiro de candomblé et chercheur en philosophie politique. Il nous a parlé du quilombo en tant qu’organisation politique, de la malléabilité du concept de racisme imposée par la bourgeoisie, et de son pessimisme quant à l’avenir de la société capitaliste.
Le texte qui suit a été retranscrit et adapté par Jessica Assard, et reprend les moments phares de l’intervention de Rodrigo le 19 novembre 2020.
Au Brésil, nous nous trouvons actuellement en plein milieu d’un débat politique soutenu, car nous élisons en ce moment même nos maires.ses et conseiller.e.s municipaux.ales. Or l’État, les médias hégémoniques et la culture dominante ne permettent la participation du citoyen au débat politique qu’à travers le vote. Ces institutions s’évertuent à transformer une fiction en réalité car la démocratie est une fiction mais les forces détentrices de pouvoir répètent inlassablement que la démocratie est une réalité, ce qui finit par convaincre le peuple. Ceci contribue à rendre invisible les formes de production politique provenant de la classe intellectuelle et artistique, aussi bien que des mouvements politiques et organisations basés sur la force du peuple lui-même. Au demeurant, ceci rend difficile le rapprochement entre le peuple et ceux qui constituent la classe véritablement progressiste de la société.
Dans le contexte de faim, d’impossibilité d’accès à un enseignement de qualité et à la santé qui est le nôtre, je me demande quelle est la réelle teneur révolutionnaire de protester pour inclure des penseurs noirs dans les programmes d’une fac de philosophie. C’est une préoccupation légitime et nécessaire, mais, pour paraphraser Frantz Fanon, le besoin émancipatoire n’est pas le même qu’il s’agisse d’un.e intellectuel.le noir.e ou d’un ouvrier du port d’Abidjan.
J’en viens donc à la question du quilombo comme organisation politique. Si on le pense en tant qu’organisation politique, le quilombo doit s’ancrer avant tout dans le combat pour l’émancipation des bases de la société. La pensée bourgeoise est si profondément ancrée que le concept de racisme n’est plus qu’un ornement manipulable. Le racisme a transformé sa caractéristique d’institution basée sur la violence, et c’est là le reflet de la domestication des peuples par l’occident. Les initiatives contre-culturelles, même belliqueuses et militaires, finissent par être invisibilisées par le pouvoir. C’est aux intellectuels, conscients des mécanismes historiques de violence et d’agressivité liés à la construction du racisme, de s’emparer de cette histoire et de penser la nécessité de contrecarrer ces mécanismes de façon également violente et agressive.
La pensée bourgeoise délimite une séparation entre l’avant-garde intellectuelle noire et les bases du peuple. En 1959, lors du II Congrès des Écrivains et Artistes Noirs à Rome, le président de la Guinée Conakry Ahmed Sekou Touré avertissait déjà qu’il ne sert à rien d’écrire un chant révolutionnaire. Il faut être avec le peuple, et avec le peuple les chants surgiront pour et par eux-mêmes.
Au sujet du racisme vidé de son essence, Achille Mbembe émet l’idée d’un « devenir nègre du monde », où la condition noire qui avait fait des populations africaines du XVIIe siècle les objets de l’exploitation politique et économique par excellence est désormais la condition globale de tous les peuples non européens et non états-uniens. À mon sens, cette pensée est le reflet de la dissolution de la question raciale car on y perd la dimension de violence et d’exploitation ayant eu pour seule base le racisme.
Au début de notre rencontre, l’un de vous m’a demandé si je voyais la Casa Ngoma comme un quilombo, ou encore comme une organisation politique. Je pense que l’école de capoeira doit fonctionner comme une organisation politique car elle se trouve dans une favela violente, où la population est noire et pauvre, et en plein milieu des défis posés par la croissance des églises néopentecostales aux yeux desquelles tout ce qui a trait aux cultures africaines ou de matrice africaine est synonyme du diable. Il nous faut garder en vue que le racisme est un problème mondial qui exige une action de la part de ceux et celles qui s’engagent auprès des cultures de matrice africaine et du peuple noir.
Je pense d’ailleurs que cette action ne peut pas être la simple création d’un projet politico-pédagogique dont le but principal est l’insertion des personnes dans le marché du travail et dans la société. Je n’ai pas d’espoir en notre société. Ce qu’il faut donc c’est penser la construction d’une autre société. Si on reprend l’exemple du quilombo, il ne s’agit pas d’une société liée à la société hégémonique. Il s’agit d’une toute autre société, et c’est pour ça qu’ils ont été combattus. Malheureusement les fondements de notre société établis par l’occident à la période moderne sont solides, et le racisme et le capitalisme marchent main dans la main dans le projet de domination mondiale organisé par le capital financier dès la fin du XVIIIe siècle. Pas même une pandémie n’a réussi à mettre fin au capital et au racisme.
En ce sens, la capoeira peut aider à la création de nouvelles sociabilités à travers la célébration du corps qui danse, qui crée, qui lutte, et qui a aussi la capacité de tuer et de sauver sa vie. Tel est le pouvoir transmis par l’ancestralité, même massacrée. Nous vivons dans une société régie par la violence, il nous faut donc éduquer notre corps à la violence. Avec l’ascension du bolsonarisme, les corps noirs, gays, travestis, courent des risques réels. Nous nous retrouvons face à la nécessité d’apprendre à notre corps à courir, à esquiver… Il faut préparer notre corps à affronter l’ennemi.
Les rencontres « Oyà pense le quilombo » se déroulent sur zoom et sont ouvertes à tou.te.s les membres de l’association et leurs invité.e.s. Pour recevoir les identifiants de connexion il suffit de nous envoyer un mail, ou laisser un commentaire sous ce post.
Axé!
Apesar dos ataques sucessivos do Estado, essas organizações repousavam em bases tão sólidas que ainda hoje os quilombolas brasileiros, os bushinengué guianeses e surinameses assim como os maroon jamaicanos perpetuam seus modos de vida e culturas centenários, enfrentando sempre novos desafios impostos pela sociedade ocidental.
Em prol da admiração que temos pela tenacidade e capacidade de resistência desses povos, nós da Associação Oyà convidamos vocês a pensar o quilombo. Uma vez por mês faremos um encontro com alguém ligado às tradições de matriz africana para conversarmos sobre o quilombo sob diversas perspectivas.
Inauguramos esse ciclo com Rodrigo de Odé, ator, capoeirista, ogã de um terreiro de candomblé e pesquisador em filosofia política. Ele nos falou do quilombo enquanto organização política, da maleabilidade do conceito de racismo imposta pela burguesia, e do seu pessimismo quanto ao futuro da sociedade capitalista. O texto abaixo retorma os momentos chave da fala de Rodrigo no último dia 19 de novembro.
O Brasil está atualmente em meio a um debate político aflorado pois estamos elegendo nossos prefeitos e vereadores. No entanto, o Estado, a mídia hegemônica e a cultura dominante só permitem a participação do cidadão no debate político através do voto. Essas instituições insistem em transformar uma ficção em realidade já que a democracia é uma ficção, mas as forças detentoras do poder repetem incansavelmente que a democracia é uma realidade, o que acaba convencendo o povo. Isso contribui para a invisibilização das formas de produção política provenientes da classe intelectual e artística, assim como a dos movimentos políticos e organizações baseadas na força do povo. Além do mais, isso torna difícil a aproximação do povo e daqueles que formam a classe realmente progressista da sociedade.
No contexto de fome e de falta de acesso a um ensino e a uma saúde de qualidade em que vivemos, eu me pergunto qual é o real teor revolucionário de protestar pela inclusão de pensadores negros nas grades curriculares de uma faculdade de filosofia. É uma preocupação legítima e necessária mas, parafraseando Frantz Fanon, a necessidade emancipatória não é a mesma para um intelectual negro e para um estivador do porto de Abidjan.
Chego então na questão do quilombo enquanto organização política. Se o pensarmos como organização política, o quilombo deve, antes de mais nada, nortear a luta pela emancipação das bases da sociedade. O pensamento burguês está tão profundamente enraizado que o conceito de racismo reduziu-se a um enfeite manipulável. A característica do racismo como sendo uma instituição baseada na violência sofreu uma alteração, e isso é o reflexo da domesticação dos povos pelo ocidente. As iniciativas contra-culturais, mesmo quando bélicas e militares, acabam sendo invisibilizadas pelo poder. Cabe aos intelectuais, conscientes dos mecanismos históricos de violência e agressão ligados à construção do racismo, se apropriarem essa história e pensarem na necessidade de confrontar esses mecanismos de modo igualmente violento e agressivo.
O pensamento burguês estabelece uma separação entre a vanguarda intelectual negra e a base do povo. Em 1959, no II Congresso de Escritores e Artistas Negros em Roma, o presidente da Guiné Conakry Ahmed Sekou Touré já avisava que de nada serviria escrever um canto revolucionário. Era preciso estar com o povo, e com o povo os cantos surgiriam para e por eles mesmos.
A respeito do racismo esvaziado da sua essência, Achille Mbembe emite a ideia de um « porvir negro do mundo », onde a condição negra que fizera dos povos africanos do século XVII objetos de exploração política e econômica por excelência tornou-se de agora em diante a condição de todos os povos não europeus e não estadunidenses. A meu ver, esse pensamento é o reflexo da dissolução da questão racial pois perde-se a dimensão da violência e da exploração baseadas exclusivamente no racismo.
No início do nosso encontro, um de vocês me perguntou se eu via a Casa Ngoma como um quilombo, ou ainda como uma organização política. Eu penso que a escola de capoeira deve funcionar como uma organização política pois ela se encontra dentro de uma favela violenta, onde a população é negra e pobre, e em meio aos desafios planteados pelo crescimento das igrejas neopentecostais aos olhos das quais tudo o que está ligado com as culturas africanas ou de matriz africana é coisa do diabo. Temos que manter em vista que o racismo é um problema mundial e que exige ações por parte daqueles que se comprometem com as culturas de matriz africana e com o povo negro.
Eu penso aliás que essa ação não pode se contentar com a simples criação de um projeto político-pedagógico cujo principal objetivo é a inserção de pessoas no mercado de trabalho e na sociedade. Não nutro esperanças para essa sociedade. É preciso pensar a construção de uma nova sociedade. Se retomarmos o exemplo do quilombo, não se trata de uma sociedade ligada à sociedade hegemônica. Trata-se de uma outra sociedade, e por isso ela foi combatida. Infelizmente os fundamentos da nossa sociedade estabelecidos pelo ocidente no período moderno são sólidos, e o racismo e o capitalismo caminham de mãos dadas num projeto de dominação mundial organizado pelo capital financeiro desde o final do século XVIII. Nem mesmo uma pandemia conseguiu acabar com o capital e com o racismo.
Nesse sentido, a capoeira pode ajudar na criação de novas sociabilidades através da celebração do corpo que dansa, que cria, que luta, e que também tem a capacidade de matar e de salvar sua própria vida. Tal é o poder transmitido pela ancestralidade, mesmo massacrada. Vivemos em uma sociedade gerenciada pela violência, temos então que educar nossos corpos à violência. Com a ascensão do bolsonarismo, corpos negros, gays, travestis, correm riscos reais. Nós nos encontramos diante da necessidade de ensinar ao nosso corpo a correr, esquivar… Temos que preparar o nosso corpo a enfrentar o inimigo.
Os encontros « Oyà pensa o quilombo » acontecem via zoom e são abertos para todos os membros da associação e seus convidados. Para receber as senhas de conexão basta nos enviar um e-mail ou deixar um comentário nesse post.
Axé!
Traduction et transcription par Jessica Assard.
Professeure de langue et littératures lusophones,
doctorante en littérature brésilienne.
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